Les 16 de Basse Pointe
"Extrait du journal La Paix": Lire plus
Seize travailleurs de Basse-Pointe sont arrêtés sous inculpation de "meurtre de l'administrateur de l'habitation Leyritz, violences exercées sur gendarmes et vols de fusils". C'est le début de l'Affaire des Seize de Basse-Pointe, emprisonnés pendant trois longues années, sans aucune preuve contre eux. Pour accuser Julina, on s'appuie sur une confidence qu'il a faite en prison à un nommé Aujeon, alors que ces deux hommes n'ont jamais été dans la même cellule. Pour accuser Clio Nesto, on s'appuie sur le témoignage du gendarme Lautrelle qui déclare l'avoir reconnu dans la bagarre parce qu'il avait fait sa connaissance au service militaire, or Clio est réformé et n'a jamais fait de service militaire. Polomat est inculpé, alors qu'il a été prouvé que le fameux 6 septembre, il était couché les deux pieds bandés et dans l'incapacité de marcher.
Le procès a lieu en août 1951. Un grand mouvement de solidarité s'est développé pour exiger la libération des Seize. La population du Morne Balai d'où sont originaires "Les Seize" signe à l'unanimité une pétition en ce sens. "Les Seize" sont alors déportés à Bordeaux pour y être jugés. En France aussi, ils bénéficient d'un grand élan de solidarité de la classe ouvrière. A leur arrivée à bord du cargo "L'île d'Aix", les dockers refusent de décharger le bateau et déclenchent une grève de 24 heures. Plus de 500 personnes se rassemblent sur le quai pour accueillir les travailleurs martiniquais. Des comités de défense de constituent dans la région de Bordeaux, des pétitions, de nombreux télégrammes de protestation arrivent sur le bureau des juges.
Le 12 août, devant le mouvement populaire de solidarité en Martinique et en France, devant l'absence de preuves contre les ouvriers, dans l'incapacité de prononcer une condamnation collective, la Cours d'Assises de Bordeaux acquitte "Les Seize" qui sont portés en triomphe lors de leur sortie de prison. Cette affaire est riche d'enseignements. Elle montre comment une cause juste a pu bénéficier d'un large soutien. Jamais les ouvriers agricoles n'ont été isolés et le peuple martiniquais a manifesté sans compter sa solidarité. Les ouvriers eux non plus n'ont jamais parlé et ont tenu le secret, voilà près de 60 ans.
Source: 'Habiter le monde MH LEOTIN Agrégée d'Histoire'